A la suite de l’épisode 1 sur la vie des bureaux d’études sur une mission longue durée (lien vers l’ancien article), Teréo vous invite à vivre la suite de cette mission palpitante sur la restauration de la continuité piscicole du seuil de Yenne.
Nous nous situons à la fin de l’élaboration de l’avant-projet (AVP).
En vous souhaitant bonne lecture.

Première étape : valider les objectifs et le contenu de la mission d’AVP

Lors du lancement de cette phase, le Syndicat du Haut Rhône (SHR) a validé avec Teréo les objectifs principaux :

  • Affiner les solutions techniques proposées lors de l’étude de 2017,
  •  Identifier les contraintes résiduelles et impacts potentiels sur le planning de l’étude et des travaux,
  • Chiffrer le volume de travaux et les études à mener lors de la phase PRO.

Pour répondre à ces objectifs, il est nécessaire de rentrer dans le détail de la topographie et de l’hydraulique pour :

  • Confirmer la faisabilité des techniques envisagées précédemment,
  • Vérifier les contraintes du site,
  • Implanter des ouvrages topographiquement (passe à poissons, épis, …),
  • Préciser des avant-métrés et obtenir une première estimation générale du montant des travaux,
  • Mettre en lumière les incertitudes et aléas des solutions proposées qui seront levés en phase PRO.
Deuxième étape : la phase de relevés des contraintes

Comme vous vous en doutez certainement, nous ne rentrerons pas ici dans les détails des formules mathématiques employées ou dans les dimensions exactes de chaque élément.
Nous nous intéresserons plutôt aux éléments qui rendent le projet abouti et dynamique pour le territoire.
En premier lieu, la rivière artificielle doit répondre à 2 objectifs principaux :

  • Le rétablissement de la continuité piscicole,
  • Le maintien de la pratique des sports d’eaux vives.

Il est apparu rapidement que la prise en compte des contraintes de sécurité et de navigation était primordiale. En effet, à quoi servirait de phosphorer dans notre coin pour s’apercevoir in fine de l’incompatibilité de la restauration proposée avec l’usage sportif de ce lieu.
Certains nombres d’éléments ont été évoqués lors des échanges entre les kayakistes, le SHR et Teréo. Une des principales mesures repose sur la hauteur d’eau minimale à respecter au-dessus de chaque ouvrage de fond. Cette mesure tend à garantir la sécurité des pratiquants en cas de retournement. Les ouvrages avec lumières en pied n’ont également pas été retenus en raison du risque d’aspiration d’un pratiquant pour citer un autre exemple.

Troisième étape : des idées, un tableau blanc et un bon logiciel de modélisation hydraulique

Une fois ces éléments en poche et après avoir vérifié toutes les autres contraintes potentielles, Teréo a planché sur les solutions techniques permettant de restaurer la continuité piscicole de cet ouvrage.
La solution retenue repose sur la création d’une passe à poisson en rive droite de la rivière artificielle et dans la modification des conditions d’écoulement de cette dernière.

Figure 1 – Schéma de principe de l’implantation de la passe à poissons et de la reprise de la partie amont de la rivière artificielle (Teréo, 2016)

Afin de dimensionner correctement la passe à poisson et le fonctionnement hydraulique de la zone amont, nous avons retenu les capacités de franchissement les plus faibles des espèces cibles. Nous devons rappeler que la vitesse d’écoulement a un impact direct sur la capacité de franchissement d’un ouvrage par un poisson.
Ainsi, il faut que, pour chaque profil en travers de la rivière artificielle, au moins un passage soit ménagé avec des vitesses inférieures à 1,5 m/s (vitesse maximale de franchissement pour la blennie fluviatile par exemple). En validant cette hypothèse l’ensemble des espèces cibles retenues lors de l’étude préalable pourra conquérir la zone amont du Rhône.
Cette phase a été la plus chronophage mais certainement la plus palpitante. Avec Nizar, mon collègue hydraulicien,  et sous la supervision de Vivian, nous avons commencé par modéliser l’existant. Cette phase nous a permis de vérifier les hypothèses formulées en 2017 et comme prévu les vitesses d’écoulement se sont révélées bien trop rapides pour permettre la montaison des espèces cibles. Des points de blocages nets sont apparus. La figure ci-après matérialise ces ruptures de continuités.

Figure 2 – Modélisation des vitesses d’écoulement en état initial (Teréo, 2024)

Ensuite, nous avons cherché à comprendre ce qu’il se passerait en supprimant l’ensemble des ouvrages de la zone amont de la rivière artificielle. Cette solution ne convenait pas car la pente globale de la rivière artificielle était trop importante et cela induisait des vitesses d’écoulement trop rapides.

Figure 3 – Vue en plan des modifications pour le scénario sans ouvrage (Teréo, 2024)

La suite a consisté en une multitude de tests à partir de nouveaux profils en travers, en long, en travers. Bref en procédant de manière itérative, nous sommes parvenus à trouver une solution répondant à l’ensemble des attentes que nous avions définies et validées au départ de la mission.

Ce dernier scénario prévoit :

  • Plusieurs modifications importantes de la topographie de la rivière artificielle  (suppression des ouvrages existants, création de nouveaux épis, …),
  • L’installation d’une rugosité de fond sur tout le radier de la rivière artificielle,
  • La création d’une passe à poisson à plots régulièrement répartis. Cette dernière bénéficiera de l’attrait hydraulique de la turbine VLH et permettra à l’ensemble des espèces cibles de rattraper le dénivelé entre le Rhône et la rivière artificielle.
Figure 4 – Vue en plan des modifications pour le scénario retenu (Teréo, 2024)
Figure 5 – Modélisation des vitesses d’écoulement en état projet (Teréo, 2024)
La suite …

A l’heure d’écriture de ces lignes, tous les principes d’aménagement ont été validés par le SHR et les kayakistes. Des discussions continuent néanmoins sur certains points pour conserver les caractéristiques sportives de la rivière artificielle. Une fois ces éléments validés, il sera temps d’aborder la phase suivante… mais ceci est une autre histoire.

A bientôt pour la suite 😉

Gaëtan LOUBARESSE.