Le 5 octobre dernier, Juliette a soutenu sa thèse devant son jury présidé par Sylvain Dolédec et composé de Christine Weber, Andreas Bruder (rapporteurs), Evelyne Franquet, Michaël Ovidio (examinateurs), Nicolas Lamouroux (directeur de thèse), Sophie Cauvy-Fraunié et Anne Dos Santos (invitées et respectivement co-directrice et co-encadrante de thèse).

« Le changement climatique auquel nous faisons face aujourd’hui est amplifié en milieux alpins, induisant de fortes modifications hydrologiques dans les cours d’eau de montagne, liées à la diminution de la couverture neigeuse et la disparition des glaciers. L’augmentation des températures exacerbe aussi les tensions liées aux usages de l’eau en montagne, comme l’hydroélectricité ou la production de neige artificielle. La gestion de la ressource en eau est donc cruciale en montagne, alors que ces prélèvements menacent le maintien de la fonctionnalité des rivières alpines, qui présentent une grande diversité de conditions environnementales et abritent une faune aquatique adaptée à ces conditions particulières, dont font partie les macroinvertébrés. Ces organismes constituent la clé de voûte du fonctionnement des rivières en étant la proie de nombreux prédateurs et en recyclant la matière organique. Il est donc important d’améliorer nos connaissances sur les macroinvertébrés alpins et leurs facteurs de contrôle, afin de développer des outils adaptés à la gestion des rivières alpines.

L’estimation des débits écologiques permet d’évaluer et d’atténuer l’impact des altérations hydrologiques. Parmi les outils disponibles pour les calculer, la méthode des microhabitats couple un modèle hydraulique, avec un modèle biologique qui décrit la variation d’abondance des espèces en fonction des habitats hydrauliques. Ce couplage permet d’estimer la disponibilité en habitats hydrauliques pour les espèces à différents débits. Le modèle d’habitats hydrauliques est largement utilisé dans le monde sur les poissons, et a été développé sur les macroinvertébrés uniquement en rivière de plaine. Il est donc urgent de l’adapter aux rivières alpines, souvent apiscicoles. Pour répondre à l’ensemble de ces enjeux, ma thèse vise à : (1) identifier les conditions environnementales structurant les communautés alpines de macroinvertébrés, (2) développer des modèles de préférences hydrauliques sur des espèces clés de macroinvertébrés, et (3) mettre en œuvre les nouveaux modèles d’habitats hydrauliques spécifiques aux cours d’eau alpins en les appliquant au niveau d’une centrale hydroélectrique d’altitude.

Une première étude se base sur 330 prélèvements simultanés de macroinvertébrés issus de 3 bassins-versants à influence glaciaire variable. Les modèles réalisés sur 23 taxons montrent qu’une forte turbidité de l’eau impacte négativement 83% d’entre eux. La température de l’eau impacte 39% des taxons modélisés, et les forts débits estivaux et vitesse d’écoulement impactent 43% des taxons, montrant l’importance de l’hydrologie et de l’hydraulique dans la répartition des macroinvertébrés à l’échelle du bassin-versant. Cette étude a été publiée dans le journal Freshwater Biology.

C’est ce que confirme une deuxième étude à l’échelle du microhabitat, basée sur 150 prélèvements, dans laquelle nous avons développé des modèles de préférences hydrauliques pour 41 taxons. La moitié d’entre eux ont une réponse à la fois significative à la contrainte au fond et la vitesse d’écoulement, et transférable entre différents types de rivières. Majoritairement rhéophiles, ces taxons seront donc les plus impactés par les altérations hydrologiques. Les nouveaux modèles d’habitats ont été appliqués au niveau d’une centrale hydroélectrique d’altitude. Grâce à 130 prélèvements réalisés depuis 2018, nous montrons que les changements d’habitats hydrauliques peuvent en partie expliquer des plus faibles abondances de macroinvertébrés observées à l’aval de la prise d’eau.

L’utilisation des modèles d’habitats hydrauliques spécifiques aux cours d’eau alpins permettra de confronter les modifications d’habitats hydrauliques liés au changement climatique avec celles liées aux prélèvements d’eau, et ainsi d’intégrer les effets du changement climatique dans les scénarios de gestion des petites centrales hydroélectriques d’altitude. »Résumé général, J. Becquet, 2022)

Il reste encore du travail pour aboutir à des outils d’aide à la décision pour assurer le bon fonctionnement des milieux et nous poursuivons notre engagement en ce sens. Encore merci à Juliette pour ces trois années de travail et à toute l’équipe Ecoflows de l’unité de recherche Riverly d’INRAE !

Rendez-vous le 15 novembre prochain à la journée annuelle H2O’Lyon pour une présentation à deux voix par Anne et Juliette de la démarche et des résultats de la thèse !