Contexte

Dans le cadre de la réalisation du nœud autoroutier A43-A41 porté par AREA, des mesures compensatoires aux impacts sur la biodiversité ont été mises en œuvre. Ces mesures sont prescrites par les arrêtés préfectoraux n°2018-1343 et n°2013-229.

AREA, le CISALB et le CEN Savoie ayant constaté la convergence et la complémentarité de leurs intérêts, de leurs objectifs et de leurs actions en matière de préservation du patrimoine naturel et des paysages, ont souhaité structurer leur collaboration dans le cadre d’une convention tripartite.

Le CISALB a la charge de la gestion et du suivi des mesures compensatoires sur le site de Boige, localisé sur la commune de La Ravoire.

Pourquoi ce site a été choisi pour la restauration ?

Ce site était historiquement constitué de prairies humides bocagères bordées par un cours d’eau. Suite à la construction de l’autoroute, de profonds remaniements sont survenus et une très grande partie des habitats ont été remblayés.

Avec le temps, des habitats boisés plus ou moins humides se sont développés sur les anciens remblais fermant considérablement le site. Quelques secteurs ouverts se sont maintenus en lien avec une gestion agricole mais la proximité de zones urbaines s’est traduite par une dégradation des milieux (fossés de drainage, dépôts de déchets…).

Au premier abord, le site a donc présenté un bon potentiel de restauration.

Par ailleurs, d’autres critères ont facilité la mise en œuvre d’une opération de restauration sur la zone humide de Boige :

  • Situation proche de la zone concernée par les impacts (environ 7 km)
  • Maîtrise foncière permettant une sécurisation des mesures

Le projet de restauration

Les opérations de restauration ont consisté à :

  • Protection et restauration des milieux boisés : traitement des espèces exotiques, mise en place d’îlots de sénescence.
  • Recréation de boisements humides par suppression de remblai et plantation d’espèces hygrophiles : décaissement et plantations.
  • Création de milieux propices au cycle de développement de la faune amphibie : création de zones de stagnation d’eau permanente.
  • Plantation de haies.
  • Protection et restauration de milieux ouverts et semi-ouverts : évacuation des déchets, déremblaiement et végétalisation, débroussaillages de prairies en cours de fermeture, mise en place d’une fauche régulière.
  • Protection et restauration de fossés plus favorable à l’agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) : restauration des berges en pentes douces, végétalisation, abattage sélectif d’arbres…

La maîtrise d’œuvre des opérations de restauration a été portée par Teréo et ses partenaires en 2021-2022.

Suivis après travaux

Suite à la mise en œuvre des travaux de restauration, un suivi de la faune et de la flore a été engagé. À ce titre, Teréo et son partenaire LM Nathusii ont été missionnés pour réaliser ces suivis sur :

  • L’évolution des habitats naturels.
  • Les espèces exotiques envahissantes.
  • La qualité floristique des milieux restaurés.
  • Les chiroptères.
  • Les reptiles.

Les habitats naturels et la flore

Le suivi de la végétation a permis de mettre en évidence une bonne reprise de la végétation au niveau des zones restaurées avec des habitats hygrophiles s’exprimant bien. Une mosaïque de 23 habitats a été cartographiée.

Les milieux hygrophiles pionniers sont évidemment bien plus représentés qu’avant restauration. En revanche, le site étant encore « jeune », la végétation issue des semis n’a pas encore été entièrement remplacée par la végétation naturelle.

Soulignons également que les espèces exotiques envahissantes sont encore bien présentes sur le site, même au niveau des zones restaurées. La proximité de grandes stations d’espèces exotiques ainsi que la voie rapide urbaine sont susceptibles d’accélérer la colonisation par ces espèces exogènes. L’intérêt du suivi est de pouvoir mettre en évidence cette colonisation et intervenir sur les jeunes stades de développement pour lutter efficacement contre ces espèces.

Suivi placette

Les chiroptères

Lors de l’inspection des gîtes en 2024, aucun indice ne montre l’occupation de gîte par les chiroptères. Cinq des 11 gîtes installés étaient vides. Les autres gîtes étaient occupés par des oiseaux ou des insectes (fourmis, frelons…).

Concernant les analyses acoustiques, la richesse spécifique contactée en période de reproduction est très importante avec pas moins de 15 espèces identifiées. Les milieux offrent des zones de chasse intéressantes pour bon nombre d’espèces comme la sérotine commune (Eptesicus serotinus), la noctule commune (Nyctalus noctula) et le murin de Daubenton (Myotis daubentonii), ce dernier chassant avant tout au-dessus des eaux calmes, des étangs ou des lacs.

Si on se concentre plus spécifiquement sur le cortège des espèces arboricoles, les activités acoustiques démontrent une réelle importance de la strate arborée présente sur la zone d’étude. Les activités notables du groupe des pipistrelles et la présence de différents types de cris sociaux tendent à confirmer l’usage de cavités arboricoles tant en été qu’en période automnale. De même, la noctule commune est présente très régulièrement au cours de la période estivale. Il est probable qu’elle gîte dans des cavités arboricoles du site ; c’est une espèce menacée à l’échelle nationale. On peut également souligner la présence du murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), espèce très sédentaire qui s’éloigne rarement de plus de quelques centaines de mètre de ses gites ; la zone d’étude est donc une surface indispensable pour la préservation de cette espèce.

Suivi nichoir

Les reptiles

Trois transects ont été définis pour suivre les reptiles par le biais de plaques d’insolation :

  • Un transect au nord du site : secteur où la gestion des prairies a été améliorée
  • Un transect au centre du site : secteur où les milieux ont été restaurés.
  • Un transect au sud du site : secteur incluant des zones restaurées et des zones où aucune action n’a été réalisée (témoin).

Deux espèces de reptiles ont été identifiées sur le site d’étude : la couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus) et le lézard des murailles (Podarcis muralis). Tous les contacts ont eu lieu dans la partie nord du site.

Le transect nord a donc été le plus riche en observation alors que les deux autres transects n’ont pas permis de voir des reptiles. Cependant, un probable serpent adulte sur le transect central s’est enfui à l’approche de l’observateur. L’observation n’est donc pas confirmée ni certaine.

Les zones proches des mares compensatoires et les zones nouvellement ouvertes semblent favorables aux reptiles avec la présence de lisières attractives, de points d’eau, de zones d’ensoleillement et de zones de chasse. Les prochains suivis permettront de confirmer cette hypothèse.

De nouveaux suivis sont prévus lors des années futures, couplés aux premières opérations d’entretien.

 

Matthieu PUXEDDU